Non au mariage pour tous (oui au mariage gay) !

En France, on adore les mots. Beaucoup plus que les faits ou les actes, du reste. Un grand discours, un texte de loi, des mots bien choisis font une politique beaucoup plus que l’action concrète sur le terrain. En particulier, les Français ont un génie pour s’évertuer à appeler un chat un chien pour des raisons idéologiques, politiques ou de bien-pensance. Un nouvel exemple nous est fourni par le débat sur le mariage homosexuel – pardon : le « mariage pour tous ». 

Les tenants du mariage gay ont jugé utile de militer pour cette cause sans jamais la nommer par son nom. Au lieu de dire clairement qu’on souhaite étendre le mariage aux couples homosexuels, on préfère parler de « mariage pour tous », formule vaseuse qui a un grand mérite politique : reléguant la cause homosexuelle au second plan, elle met en avant le fait qu’il s’agit avant tout d’obtenir une égalité de droits pour tous les couples. Au pays du culte de l’égalitarisme, c’est habile : qui peut contester une revendication pour plus d’égalité sans passer pour un ennemi de la République et de ses valeurs sacrées ?

Cette tactique sémantique, pour futée qu’elle soit, me paraît dangereuse à multiples égards et pourrait se retourner contre les homosexuels eux-mêmes.

D’abord, elle donne l’impression que le mariage homosexuel cherche à s’imposer de manière insidieuse en avançant masqué, accréditant l’idée que l’homosexualité serait une maladie honteuse. Que vaut une cause dont les défenseurs se cachent derrière un faux nez, n’osant énoncer clairement de quoi il s’agit ? Une telle méthode ne peut qu’inspirer la méfiance là où elle ne devrait pas avoir lieu d’être.

Ensuite, la formulation de « mariage pour tous » et la revendication qu’elle exprime – quiconque en a envie doit pouvoir se marier, et ce de manière inconditionnelle – ouvre la porte à tous les abus. Car si on considère le « mariage pour tous » comme droit fondamental au nom de l’égalité, il n’y a plus de limites. Au nom de quoi pourra-t-on alors refuser des mariages entre (demi-)frère et (demi-)sœur, des mariages hors des limites d’âge, la polygamie, voire refuser à des illuminés d'épouser leur chien ou leur canari ?

Qu’on ne se méprenne pas : au risque de surprendre, bien qu’étant un affreux réac, je suis personnellement favorable au mariage homosexuel. Mais je préfèrerais qu’il accorde tout simplement le droit pour deux hommes ou deux femmes de se marier, sans avoir recours à une formule qui sonne bien mais discrédite les intéressés comme l’institution du mariage elle-même.

« Pourquoi cette hypocrisie dans le vocabulaire ? (…) On ne dit plus un vieux, un infirme, un sourd, un aveugle, un crétin, un impuissant. On dit une personne du troisième âge, un handicapé, un non-entendant, un non-voyant, un non-comprenant, un non-baisant. De même qu'on ne dit plus un avortement mais une interruption volontaire de grossesse, ceci afin de ménager l'amour-propre du fœtus »

Pierre Desproges