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Harcèlement textuel

12 Octobre 2019 , Rédigé par Jiphoune Publié dans #Humeur (attention: réac !), #Vive l'Allemagne !

Oliver Kalkhofe est un humoriste allemand dont le style me rappelle parfois le regretté Pierre Desproges. Alors que les insultes et commentaires haineux sur les réseaux sociaux font l’actualité de part et d’autre du Rhin, j’ai bien apprécié son billet d’humeur publié dans le magazine TV Spielfilm cette semaine, au point d’en livrer ici la traduction. Ayant mon compte mail sur Yahoo!France, je suis atterré par les tombereaux de commentaires racistes, antisémites, homophobes et orduriers sur ce portail qui, bien sûr, ne sont jamais filtrés…

"Depuis l’invention du langage, l’humanité s’est demandé comment utiliser cet outil de communication de manière appropriée. Dans la plupart des sociétés civilisées, on a fini par s’accorder au quotidien sur des règles de politesse respectueuse, voire une gentillesse à la limite du fayotage. L’insulte explicite et personnelle lancée à la figure d’un interlocuteur reste en général une exception réservée aux cas exceptionnels. En effet, on peut alors craindre en retour une réponse manuelle de type « poing dans la gueule » ou que l’intéressé(e) porte plainte. Quant à savoir si l’outrage verbal constitue un délit et peut faire l’objet d’une amende, cela dépend de la personne, de si les fait sont avérés et du contexte. Par exemple, le footballeur professionnel allemand Stefan Effenberg avait été condamné à une amende de 10.000 Euros pour un « trou du cul » adressé à un policier. D’autres outrages à fonctionnaire peuvent cependant coûter moins cher : un petit « va te faire foutre » lancé au passage n’a été sanctionné que de 500 Euros par les tribunaux, un « branleur » d’à peine 1.000 Euros. A ce prix-là, on aurait tort de se priver ! Le revenu du justiciable et le contexte restent des critères essentiels. Ainsi, un « pauvre type, t’es vraiment qu’un guignol » adressé à un représentant des forces de l’ordre a été sanctionné de 350 Euros d’amende. Si elle m’avait été adressée à moi, cette remarque aurait constitué une description objective de mon métier n’aurait pas fait l’objet de poursuites.

Grâce aux réseaux sociaux et à la possibilité de tout commenter sur internet, les diffamateurs du dimanche les plus assidus et les harceleurs anonymes les plus vils se sont vus offrir des moyens formidables de s’adonner à leur abjectes outrances. La merveilleuse opportunité de pouvoir cracher lâchement son venin à la figure d’absolument n’importe qui, courageusement caché à l’abri d’un pseudonyme et sans que le flux nauséabond ne puisse jamais être remonté jusqu’à son auteur, permet enfin au plus taré des imbéciles de laisser éclater au grand jour la rage accumulée au fond de son rectum et d’empuantir le monde des effluves fétides de ses idées moisies. C’est d’autant plus réjouissant pour les diarrhéiques de l’invective que le tribunal de Berlin lui-même a récemment jugé que les publications sur Facebook qualifiant la députée écologiste Renate Künast de « vieille truie perverse », de « merde », de « con moisi » et de « mal baisée dans son enfance » doivent être considérées comme des « expressions légitimes d’une opinion personnelle » dans la mesure où l’absence de critique factuelle ne permet pas d’établir le délit de diffamation.

Peut-être devons-nous simplement apprendre à faire preuve de compréhension : l’éructation est le small-talk des imbéciles, une pathétique façon de quémander un peu d’attention, bref, rien d’autre que l’expression d’un besoin d’être aimé. Réfléchir, ça fait bobo dans la tête, mais la colère doit sortir et plus l’abrutit beugle fort, plus il est convaincu de la véracité de ses flatulences intellectuelles. Le nombre de points d’exclamation et de lettres capitales dans son texte, en nous servant d’échelle de mesure de son impuissance cérébrale, doivent nous inviter à la compassion. Au lieu de nous énerver sur cette minable masturbation haineuse, ayons plutôt pitié de son auteur et serrons-le en pensée contre nos cœurs. Car au fond, c’est certes un con, mais c’est avant tout un pauvre, un très pauvre con."

 

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