Politique allemande: on en voit de toutes les couleurs

En ce jour d’élection du Bundestag, penchons-nous sur une curiosité de la vie politique allemande : les couleurs associées à chaque parti.

En Allemagne, chaque parti politique a sa couleur, comme les équipes de foot. Cette couleur est plus ou moins utilisée sur les bannières et affiches électorales, mais elle est abondamment utilisée par les journalistes et les hommes politiques eux-mêmes, en particulier lorsqu’il s’agit de spéculer sur les coalitions possibles.

• La CDU d’Angela Merkel (et sa petite sœur bavaroise CSU) sont les noirs. Ceci serait dû au fait que ces deux partis se réclament de la religion chrétienne. Le noir étant la couleur des soutanes des curés et pasteurs, c’est aussi devenue celle des chrétiens-démocrates.
• Le parti social-démocrate (SPD) de Martin Schultz, sans surprise, porte la couleur rouge, celle du socialisme. On notera qu’étant plus ancien, il a préempté cette couleur face au parti de gauche Die Linke.
• A côté de ces deux principales forces politiques de l’après-guerre, le parti libéral démocrate (FDP) a adopté la couleur jaune dans son logo en 1972. Apparemment, le choix de cette couleur était purement publicitaire pour se distinguer de la CDU et du SPD sur les affiches électorales. On remarquera quand même qu’il s’agit de la troisième couleur du drapeau allemand. Un hasard ?
• Enfin, les verts (Die Grünen) sont évidemment symbolisés par la couleur verte.

Au cours des dernières années, deux forces politiques supplémentaires ont émergé sur l’échiquier politique :

• Le parti de gauche Die Linke (La Gauche), issue de l’alliances entre l’aile gauche du SPD et les anciens communistes de RDA. Naturellement, sa couleur est le rouge, même si cette couleur est immédiatement associée au SPD.
• Enfin, l’AfD (Alternative für Deutschland), est un parti de droite né à l’origine sur le thème de la sortie de l’Euro et du retour au Deutsche Mark. Ces dernières années, son discours s’est radicalisé et est devenu encore plus xénophobe, anti-migrants et islamophobe. N’ayant jamais été représenté au Bundestag, il n’a pas encore sa couleur. Ses détracteurs lui donneraient volontiers la couleur brune, en référence aux chemises brunes des nazis. Mais son logo étant essentiellement bleu, il y a fort à parier qu’ils deviennent « les bleus ».

Feux tricolore ou Jamaïque ?
Le système électoral à la proportionnelle de la république fédérale d’Allemagne est conçu pour empêcher un seul parti d’avoir une trop forte majorité, ce qui force les partis à former des coalitions pour gouverner.

Traditionnellement, ces coalitions se sont constituées autour d’un gros parti et d’un petit parti qui fournissait l’appoint de siège. L’allié naturel des sociaux-démocrate étant les écologistes et celui des chrétiens-démocrates étant les libéraux. Le microcosme politique parle alors de coalition « rot-grün » ou « schwarz-gelb ».

L’art du compromis légendaire des Allemands étant ce qu’il est, d’autres combinaisons sont possibles, en particulier au niveau régional (les Länder). Par exemple rouge-rouge (SPD+Linke), rouge-rouge-vert (SPD+Linke+écolos) ou encore noir-vert (CDU+écolos).

Les commentateurs politiques adorent disséquer les sondages et calculer les coalitions possibles en fonction des projections en sièges, ce qui donne lieu à des inventions linguistiques amusantes : Aurons-nous une coalition « feu tricolore » (rouge-jaune-vert) ou une coalition jamaïcaine (noir-jaune-vert, en référence au drapeau de ce pays)? Il faut parfois être bien informé pour comprendre certaines interviews surréalistes de personalités politiques à la télé :

-    Monsieur Tartempion, votre parti n’aura sans doute pas de majorité absolue après ces élections. Seriez-vous partant pour la Jamaïque ?
-    Tout n’est pas joué et ce sont les électeurs qui décideront. Mais je crois que ce n’est un secret pour personne que je suis plutôt partisan du feu tricolore.

Nul doute que dans les jours qui viennent, les Allemands vont en voir de toutes les couleurs.